Saphir du cachemire

Par Frédéric Fontaine - Photo Christie's - Star of Kashmir

Saphir du Cachemire

Le Cachemire est une région située sur le continent indien entre l’Inde, le Pakistan et la Chine. Cette région frontalière a toujours fait l’objet d’affrontements entre les pays voisins. Depuis 1949, elle est coupée en deux : un tiers est au Pakistan (Azad Cachemire), les deux autres tiers sont en Inde (Jammu Cachemire). Pour simplifier encore un peu les choses, la région a également des velléités indépendantistes.

C’est pourtant au Cachemire, dans les hauteurs de l’Himalaya, que gisent les plus beaux saphirs au monde. Ils ont une teinte bleu bleuet, d’un velouté légèrement ouaté qui leur confère une beauté incomparable. Les très belles gemmes de Myanmar sont plus sombres et les très beaux saphirs de Ceylan ou de Madagascar présentent souvent un aspect plus métallique. On considère le saphir du Cachemire comme une « vieille mine », c’est à dire une pierre dont l’exploitation est fermée ou épuisée. Ce n’est pas tout à fait exact, il existe encore aujourd’hui une production marginale mais comme nous allons le voir, la pierre « se mérite » car ses conditions d’exploitation font partie des pires au monde :

Pour aller chercher les saphirs du Cachemire, il faut se rendre dans les montagnes de l’Himalaya, à plus de 4 000 mètres d’altitude, dans les mines de Padder. Pour s’y rendre, laissez la Range Rover au garage car il n’y a toujours pas de route, il vous faudra trouver un guide à Srinagar.  Pensez à passer au « vieux campeur » pour vous équiper « expé » si vous voulez traverser la montagne… à pied, dont le terrible col d’Umasi à 5300 mètres d’altitude. A votre arrivée, vous serez accueilli dans une ambiance tendue, les mines étant gardées jour et nuit par la police et l’armée. Dans la mine de Padder, seule une quinzaine de mineurs travaillent encore. Les visages sont creusés par la fatigue car à cette altitude, chaque geste coûte cher (4500 m). Une galerie principale, creusée dans la montagne, continue d’être exploitée. Les mineurs cherchent les zones blanches de la paroi, les veines de Kaolite, car c’est dans ce contexte que cristalliseront les plus beaux saphirs.

50 carats environ sont extraits chaque jour. A l’échelle de la planète c’est peu. Les saphirs sont ensuite acheminés dans la ville la plus proche, Kichtwar, à 60 kilomètres à travers la montagne. Quelques pierres seront cédées pendant le voyage pour éviter les problèmes. Le Cachemire de part sa situation géopolitique est une région dangereuse.

Pour ceux que cela tente, il existe encore de nombreuses mines abandonnées et regorgeant certainement de saphirs. Mais ces mines sont situées dans des endroits presque inaccessibles, là où les neiges éternelles, le froid et l’altitude sont des ennemis redoutables.

Peut être est-ce pour cette raison qu’en Inde, le saphir est un symbole d’immortalité ?

Certaines pierres malgaches (Andranondamba) sont proposées à tort comme des saphirs du Cachemire.

Les inclusions nous permettent de différencier un saphir du Cachemire authentique:

Les inclusions du saphir du Cachemire sont les suivantes :

-Tourmaline dravitique NaMg3Al6(BO3)3Si6O18(OH,F)4: cristaux prismatiques peu souvent automorphes de couleur verte à marron.

-Pargasite NaCa2(Mg, Fe2+)4Al(Si6Al2)O22(OH)2 : cristaux alumino-amphiboliques sous la forme d'une fine aiguille incolore à verte pâle pouvant atteindre la taille de 6mm de long. Elles sont un critère de reconnaissance de l'origine des saphirs du Cachemire car elles n'ont été identifiées par ailleurs que dans des rubis de Myanmar et de Tanzanie.

-Zircon ZrSiO4: petits cristaux plus ou moins corrodés avec des indentations

-Feldspaths plagioclases calciques: cristaux de forme arrondie fortement corrodés avec des indentations

-Uraninite: oxyde d'uranium sous la forme de cristaux cubiques noirs opaques souvent associés au zircon. Ces cristaux peuvent être accompagnés d'un halo de tension. Afin de déterminer la nature exacte de ces cubes, l'échantillon peut être placé sous U-visio pour voir le halo de luminescence des centres induits par la radioactivité de l'inclusion.

-Allanite: cristaux automorphes observés seulement dans les saphirs du Cachemire (rarement).

-Biotite: en feuillets

-Grenat: ils sont surtout calciques (grossulaire). Les grenats ont pu aussi servir de point d'attache pour la formation des saphirs.

-Rutiles TiO2: prismatiques.

Les bandes "milky" sont composées de microscopiques inclusions dont la nature fut très discutée, aujourd'hui, ces inclusions sont considérées comme étant des exsolutions de rutile. Tous les auteurs d'articles sur les saphirs du Cachemire présentent cette zonation comme l'un des critères de reconnaissance d'origine Cachemire.

Les saphirs du Cachemire contiennent aussi de fines particules blanches, comme de la "poussière", ordonnées sur une ligne ou bien sous la forme d'un nuage formé de groupe de particules prenant le nom de "snowflakes" en anglais. Les lignes de particules ressemblent à de petites aiguilles fines orientées trois directions. De plus si le saphir est chauffé, une diffusion de titane apparaît autour de ces particules.

Inclusions fluides et cavités

Des cavités, remplies de gaz et/ou de liquide (probablement CO2), ont été remarquées au sein des saphirs du Cachemire. Ces cavités peuvent avoir la forme de « cristaux négatifs » (cavités reproduisant la morphologie du cristal hôte)

Lorsque la cavité est remplie de phases gazeuses et liquides, le libelle de CO2 gazeux peut disparaître de la phase liquide en chauffant la pierre à 30°C. Dans les corindons, contrairement aux béryls, c'est l'expansion de la phase liquide qui domine en raison d'une pression plus élevée.

Merci à Aurélien Delaunay pour son aide dans la rédaction de cet article.

Le film de Patrick Voillot sur les saphirs du Cachemire

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