Les ventes aux enchères
Par Frédéric Fontaine
En 30 années de carrière combien de fois ai-je été confronté aux « excellentes affaires » faites dans les ventes aux enchères de bijoux.
« J'ai acheté ma bague de fiançailles à Drouot, c 'est une bague ancienne et je l'ai payée une misère! » ; « Nous avons trouvé une bague ancienne, une bague Marguerite à vil prix dans une vente aux enchères de province!» ; « les diamants sont deux fois moins chers à Drouot que dans une bijouterie ! », etc...
Les ventes aux enchères ont le mérite de rendre les gens heureux, car quoi de plus agréable, que d'avoir le sentiment de payer son bijou en deçà de son prix effectif.
Dans les faits, du point de vue dépassionné mais objectif du professionnel, qu'en est-il de ces présupposées bonnes affaires? Les salles de vente sont-elles devenues le lieu où sont bradés les bijoux des grandes familles ?
Dans cet article, je livre, sans prétention, le fruit de mon expérience.
Pour ne pas altérer mon objectivité, je ne baserai mon propos que sur des faits avérés
Les bijoux vendus dans le cadre d'une succession.
En ma qualité d'expert, j'ai eu fréquemment l'occasion de pratiquer des évaluations de "patrimoines bijoux" dans le cadre de succession, et j'ai pu constater que les bijoux y ont une place à part.
Autant, certains meubles, (armoires normandes de 3 mètres de haut, commodes 18ième marquetées, table de 30 couverts et de 200 kilos), laissent souvent indifférents les héritiers car ils ne correspondent plus, ni aux goûts, ni aux besoins de la jeune génération et peuvent se retrouver bradés en salle de vente ; autant les bijoux précieux, de part leur dimension affective, (ils sont assimilés à la personne disparue), sont rarement cédés à des inconnus mais, le plus souvent, répartis de manière équitable entre les héritiers.
Très souvent, seules les broutilles et les bijoux complétement passés de mode, peuvent être vendus aux enchères et le plus souvent achetés pour leur poids d'or par un fondeur professionnel.
Les belles pièces restent le plus souvent dans les familles, même si elles sont parfois actualisées, transformées en bijoux plus contemporains, dans le cadre de projet de bagues de fiançailles par exemple.
Dans certains cas, une famille peut décider de se dessaisir d'un beau bijou, une belle bague ancienne. Apparaît alors un autre phénomène, très fréquent et bien connu des professionnels : la «survalorisation du bijou ». Toujours pour des raisons affectives, (et bien légitimes au demeurant), le rubis de grand maman est devenu un « mythe familial », un Birman de toute beauté qui doit valoir une somme astronomique. Croyez en mon expérience, les belles gemmes sont extrêmement rares et le fameux rubis Birman, mythe de toute une famille, peut se révéler être une pierre tout à fait ordinaire (ou une synthèse, cela m'est arrivé). Ce phénomène de « survalorisation » contribue à engendrer, dans le cadre de la vente aux enchères. des prix de réserve très élevés, imposés par des vendeurs qui se refusent à admettre la valeur effective de leur bien.
L'achat frénétique
Tout, dans une salle de vente, (comme dans un casino par ailleurs), est fait pour encourager l'achat compulsif. Atmosphère en vase clos, absence de vue sur l'extérieur, perte de ses repères et de la réalité.
Les commissaires priseurs qui sont des enjôleurs professionnels, peuvent créer une dynamique, une «envie d'acheter malgré tout» qui vous fera enchérir au delà de votre budget et au delà de la valeur réelle du bijou. Vulgairement, ils appellent cela « faire monter la mayonnaise ». Attention également aux frais qui s'ajouteront au prix de votre achat et qui peuvent s'avérer élevés, beaucoup plus élevés qu'il y a quelques années en tout cas, jusqu'à 20%.
Que trouve-t-on, (essentiellement), comme bijoux précieux en salle de vente ?
Des bijoux anciens, souvent un peu datés, (certains peuvent avoir du charme), des bijoux vendus pour le poids d'or qu'ils représentent, des faux bijoux anciens « made in Bangkok », sertis le plus souvent d'une pierre de couleur outrageusement traitée et portés trois semaines pour être vendus comme anciens, des fonds de stock de bijoutiers de province à la retraite, (d'authentiques nanars résolument invendables), des diamants taille ancienne un peu jaunes, des pierres souvent incluses et mal taillées.
Les très bonnes pierres suivent généralement d'autres réseaux commerciaux et ceci en amont de la vente aux enchères.
Enfin, quelques belles pièces (bagues anciennes de fiançailles signées, solitaires de grande maison), mais les prix ne sont pas miraculeux et les bijoux ont été portés, (c'est la règle du jeu), et parfois jusqu'à la corde. Cela peut poser problème, un bijou trop porté ne supportera pas sa mise à la taille s'il n'est pas à votre doigt, (il y a de fortes chances). Il faudra dessertir la pierre, la repolir, (une pierre portée présente souvent de nombreuses égrisures). Il faudra ensuite retravailler le panier pour l'adapter aux nouvelles cotes de la pierre après polissage, et souvent refaire toutes les sertissures, le tout, pour un prix souvent supérieur à une bague neuve et sans la garantie de fiabilité d'un bijou neuf sorti de l'atelier.
En conclusion, le bijou ancien a un charme indéniable et parfois unique mais les bonnes pièces et les bonnes affaires sont rares et les pièges nombreux.
19.05.16
Je sui bijoutier j aime les diamants les bagues anciens
- baamar, 45 ans (fes)
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