Secrets d’atelier

Par Frédéric Fontaine

Le plus souvent Les sertisseurs sont des personnes secrètes, des personnages qui n’aiment pas se raconter ni exagérer la difficulté de leur travail et pourtant le sertissage est l’opération la plus délicate de la  joaillerie, celle qui nécessite le plus de savoir-faire, le plus de précision, le plus de flegme aussi. Les bons sertisseurs sont des artisans au sens le plus noble du terme, d'authentique joailliers, et j’éprouve une sincère admiration pour leur capacité à gérer l’un des métiers les plus stressants qui soit.

Pour vous éclairer, j'ai fait « causer » un des meilleurs sertisseur de Paris. Attention séquence émotion !

Vous faites le métier depuis combien de temps ? Depuis mon apprentissage, c’est à dire depuis presque 30 ans mais je n’ai pas toujours fait de la pierre de centre*.

Avec quoi avez vous commencé ? J’ai commencé dans un atelier de joaillier où on me faisait toucher un peu à tout mais je me suis rapidement rendu compte que si je voulais devenir un "bon", il fallait que je ne fasse que du sertissage. Les clients imaginent souvent le sertisseur comme une espèce de soudeur qui, à chaud, avec son chalumeau, va fixer leur pierre sur la bague.

Oui c’est vrai les gens pensent que le sertissage se fait à chaud alors que toute l’opération se fait à froid au martelage. Aujourd’hui on utilise des outils pneumatiques mais quand j’ai commencé, mon maître d’apprentissage travaillait encore à l’ancienne. Il fallait beaucoup de force dans les mains. C’est pour cette raison qu’il y a encore très peu de femmes dans le métier.

Quelles sont les qualités pour faire un bon serto ? Il faut de la précision et du rythme. On doit pouvoir travailler avec précision et longtemps. Il ne faut pas être un étourdi : Les étourdis font pas long feu. Il faut pouvoir se concentrer, c’est certainement pour ça qu’on a cette réputation d’être pas trop bavard.

Avez vous déjà cassé une pierre ? J’ai cassé de la tanzanite et de l’opale comme tout le monde. Je touche pas souvent aux émeraudes car il y a des sertos spécialisés mais sur le diamant, je n'ai jamais vraiment cassé une pierre, je touche du bois car je fais surtout des grosseurs*.

Pour dire vrai, une fois, j’ai voulu aller vite et j’ai m…é sur un 4 carats, on s’en souvient, mais j’ai juste égrisé* le rondiste* de la pierre. On a pu retoucher. On a presque pas perdu de matière. Mais j’aurais pu cliver* le diamant.

Quelle forme est la plus difficile à sertir ? Ca dépend du serto, Je connaissais un serto qui ne passait que de la princesse* moi je n'aime pas les poires, elles sont pas toujours bien taillées et parfois pour faire du poids on a très peu de matière en pointe. J’ai toujours peur de casser la pointe. et quand tu commences à avoir peur, il faut pas continuer.

Vous voudriez changer de poste de joaillier à l’atelier? Jamais de la vie. J’ai pas passé toutes ces années pour lâcher le métier maintenant même si c’est de plus en plus difficile.

Qu’est ce qui est le plus difficile ? Les relations avec la boutique. Il faut toujours travailler dans l’urgence. Les gens ne sont plus patients. Ils sont trop gâtés, ils veulent tout pour hier. Au sertissage c’est pas possible , si on se met la pression c’est là qu’on casse.

* pierre principale d’une bague de fiançailles par exemple.

* gros diamant tout simplement

* faire un éclat mécanique

* partie médiane du diamant entre couronne et culasse

* casser en deux selon un plan de clivage du brut

* diamant de forme carrée

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