A la poursuite du béryl bleu

Par Frédéric Fontaine - Photo Compagnie des Gemmes

Les aigues-marines d’exception, les pierres de taille importante, de couleur intense et présentant une vivacité exceptionnelle, sont très rares. Si, comme nous, vous êtes à la recherche d’une aigue-marine de ce type, vous pouvez choisir la facilité et attendre le deuxième week-end de février pour vous rendre au célèbre salon de Tucson en Arizona. Vous y trouverez très certainement votre aigue-marine mais vous devrez la payer le prix fort car avant d’arriver entre vos mains celle-ci aura transité par de nombreux intermédiaires qui auront sensiblement fait monter son prix.
Pour pouvoir acheter votre aigue-marine dans de bonnes conditions financières, il faut vous rapprocher de son lieu d'extraction.
Le Brésil produit de très belles pierres, les aigues-marines Santa Maria de Itariba par exemple sont des pierres mythiques pour leur couleur,  mais le filon ne date pas d’hier et les bons spécimens sont de plus en plus rares. En Afrique, Le Nigeria propose également des pierres magnifiques mais le Nigeria n’est pas d’un accès facile tout comme le Pakistan ou l’Afghanistan qui sont d’autres alternatives pour trouver des aigues-marines « top gem ». Le Mozambique toujours en Afrique est une destination plus raisonnable et certainement très prometteuse d’un point de vue gemmologique mais il est moins attrayant à nos yeux, que sa grande voisine, de l’autre côté du canal, l’îie de Madagascar.
Pour tenter de trouver notre aigue-marine d’exception, c’est à Madagascar que nous nous rendrons. Notre voyage sera facilité par notre correspondant local. Sans lui, difficile de s’y retrouver dans la jungle du marché malgache qui n’est toujours pas structuré professionnellement. Depuis la découverte de saphirs à Ilakake dans le sud de l’ile, les Sri Lankais et les Chinois souvent d’origine thailandaise achètent les bruts en masse directement à la mine dans l’anarchie la plus totale. Pour compliquer le contexte d’achat, le pays baigne dans un climat d’insécurité exacerbé par la période pré-électorale actuelle. Cette insécurité a une incidence directe sur la disponibilité et le prix des pierres. Ceux-ci peuvent varier en fonction du nombre de jours entre le filon et le « goudron », (la route). Plus vous vous enfoncez dans la brousse plus l’acheminement du matériel d’extraction devient difficile et plus l’insécurité sera difficile à maîtriser. A Madagascar, sans aucun sectarisme de ma part, certaines ethnies (les tristement célèbres Dahalos ou voleurs de zébus), considèrent le vol (l’agression d’un village par exemple), comme un rite initiatique comparable à celui de tuer un lion pour un jeune Masai. Voler n’est donc pas toujours immoral pour certains Malgaches peu scrupuleux.

Bague Madrague par CiedesGemmes


Notre correspondant à Antananarivo a su nous vanter les mérites d’une aigue-marine magnifique (qu’il n’a vu qu’en photo) et qui correspondrait tout à fait à la recherche de notre acheteur professionnel. Cette aigue-marine est détenue par un lapidaire de métier qui ne veut pas « vendre aux Chinois ». D’ailleurs veut-il réellement vendre sa pierre ? C’est la question que se pose notre correspondant et à laquelle nous n’aurons de réponse qu’en nous rendant sur place. La partie risque de ne pas être simple. Nous arrivons à Antananarive dans un climat relativement serein qui va être de courte durée. Le lendemain de notre arrivée, deux Français sont sauvagement lynchés sur la plage de Nosy Be, l’île la plus touristique de Madagascar. Les plus folles rumeurs courent dans l’île sur les motivations réelles de ce crime et cristallisent sur Tana. L’hostilité à l’égard des étrangers est palpable et les touristes sortent peu de leurs hôtels en attendant un retour vers des cieux plus cléments mais nous sommes là pour voir une aigue-marine. Un premier RDV se solde par un "lapin". Le lapidaire a peur (de quoi ?) Il a quitté Tana, et nous donne RDV à Antsirabe, à environ 200 km au sud de Antanarivo. Pas de problème car notre voyage à Ilakake dans le sud du pays est annulé à cause des conditions climatiques qui interdisent le vol à vue de notre petit avion. En remplacement, nous avons planifié de nous rendre en voiture sur les mines d’Antsirabe avec un ami géologue installé à Tana. Arrivé à Antsirabe direction un marché aux pierres qui se tient en pleine brousse. L’ambiance est tendue. Les chinois ne quittent pas leur 4x4. Les bruts de grenat vert sont splendides et nous en profitons mais toujours pas d’aigue-marine en vue. Un rendez-vous est fixé chez un autre lapidaire qui nous accompagne mais il se solde par un deuxième lapin.  L’aigue-marine serait de nouveau à Tana. Le lendemain, de retour à Tana, nous sommes reçus dans l'arrière-boutique d'un atelier au charme typiquement malgache. Une partie de « qui connaît qui » s’engage avec notre interlocuteur. Nous sommes impressionnés par le nombre de cartes de gemmologues que l’on nous présente en vrac sur le bureau. Tout ce qui compte dans le monde de la gemmologie a transité dans cet endroit au charme si désuet. Parfait pour faire des photos mais toujours pas d’aigue-marine dans la place. Elle est au coffre dans une banque. Il faudrait revenir le lendemain. Nous sommes un peu découragés quand finalement on sonne à la porte, c’est l’aigue-marine qui contre toute attente est sortie de son coffre prématurément et réintègre le bureau dans la poche d’un cousin de notre interlocuteur. On assiste à une petite prise de bec en famille puis on finit par nous tendre un pli neuf que nous nous empressons d’ouvrir. Il contient une véritable merveille, 42 carats, taille émeraude très bien taillée (on nous avait vanté les mérites de notre ami lapidaire et nous en avons la preuve sous les yeux). La pierre présente une couleur et une vivacité incroyable (voir photo). Nous touchons au but et nous nous apprêtons à initier une négociation avant qu’une observation plus attentive de la pierre ne refroidisse notre enthousiasme.  En effet, l’aigue-marine présente des inclusions de type solides en agrégats dans un coin assez facilement perceptibles à l’œil nu. Rien de terrible au regard des autres qualités de la pierre mais un défaut malheureusement rédhibitoire pour notre client potentiel. Trop risqué, trop d’argent pour une pierre qui n’a pas de marché. Nous laissons tomber mais tout n’est pas perdu. Nous reviendrons de Madagascar fort d’une nouvelle expérience et chargés de saphirs roses, de grenats verts, de grenats spessartites et surtout d’émeraudes de très belle qualité …

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